Comment briser la spirale de la pauvreté et du désespoir ? L’association FXB a développé une approche de lutte contre la pauvreté mêlant formation, accompagnement et soutien matériel, et a déjà appliqué cette méthode ‘VillageFXB’ dans 10 pays. Elle mesure également son impact, tire les enseignements des évaluations pour ajuster régulièrement ce qui doit l’être. En concertation avec ses partenaires, dont la Fondation Roi Baudouin qui soutient depuis longtemps ses programmes au Burundi.
À Buterere, un quartier de Bujumbura, capitale du Burundi, les habitants qui font partie des plus pauvres du pays vivent dans des logements qui ne sont souvent rien de plus que des taudis. Ils tentent de survivre en cherchant des résidus alimentaires dans la décharge municipale toute proche et en vendant de temps à autre ce qu’ils y trouvent, comme des restes de charbon.
C’est dans de tels quartiers que l’association suisse François-Xavier Bagnoud (FXB) appuie, avec son programme VillageFXB, les plus pauvres parmi les pauvres. FXB existe depuis trente ans et a travaillé dans plus de vingt pays. Le modèle VillageFXB a été et est appliqué dans onze d’entre eux. Les projets FXB de lutte contre la pauvreté au Burundi (et avant au Rwanda) sont soutenus par la Fondation Roi Baudouin depuis quinze ans.
La particularité du Village FXB est l’approche globale de lutte contre la pauvreté. Celle-ci est mise en œuvre pour une durée de trois ans avec un groupe de participants dans un quartier. « Sous-alimentation, maladies, manque d’hygiène des conditions de logement… Celles et ceux qui vivent dans la plus grande pauvreté font face à des problèmes complexes. Ce serait une erreur de se focaliser uniquement sur leurs revenus. Nous apportons une réponse avec une approche qui agit de manière simultanée et intégrée sur cinq axes : l’alimentation, la santé, l’enseignement, un logement et un environnement sains, et le renforcement économique », explique Christine Eggs, directrice de FXB.
Petit commerce
Les familles – souvent des mères isolées, mais aussi des couples avec enfants – sont accompagnées, bénéficient d’une formation et d’une information, mais aussi d’une assurance maladie, de nourriture et d’argent. Au début, cette aide matérielle couvre la plus grande partie des besoins. Mais elle diminue peu à peu à mesure que les familles lancent une nouvelle activité, souvent un petit commerce, pour générer elles-mêmes des revenus.
FXB adopte une autre démarche que les fournisseurs de micro-crédits, par exemple. “Notre public cible, ce sont les plus pauvres, qui n’entrent généralement pas en ligne de compte pour obtenir un micro-crédit. Au Burundi, la plupart des emprunteurs sont des personnes qui travaillent et qui doivent envoyer leur salaire à l’établissement de crédit. Notre public n’a ni travail rémunéré, ni maison ou terrain pouvant être mis en garantie. Les petits agriculteurs ont de toute façon beaucoup de mal à avoir accès au micro-crédit”, précise Christine Eggs. « La principale innovation de notre approche, initiée dès 1991, repose sur le don d’un petit capital d’amorçage – à la place d’un prêt – qui va permettre aux familles de lancer une activité économique et ainsi acquérir progressivement des revenus suffisants et réguliers. Ce capital de départ les protège du risque d’endettement qui les précipiterait encore plus profondément dans la pauvreté. La question du microcrédit sera abordée dans les phases de développement ou de diversification de l’activité économique, poursuit-elle, mais seulement la deuxième année, après avoir renforcé les bénéficiaires et leur avoir donné une formation en gestion budgétaire et en gestion d’entreprise. »
FXB veut briser le cercle vicieux de la pauvreté. L’association n’hésite pas non plus à faire évaluer son approche par des externes. Les participants à différents projets au Burundi ont ainsi été recontactés pour voir s’ils avaient pu durablement améliorer leur qualité de vie. Certains projets étaient terminés depuis plus de huit ans, d’autres cinq ou trois ans plus tôt.
Pas tout rose
À première vue, le tableau n’est pas tout rose. La situation de nombreux participants au programme s’est détériorée une fois celui-ci terminé. Christine Eggs nuance : “Il est vrai que, pour beaucoup de familles, cela va à nouveau plus mal sur certains plans. Ces dernières années, la situation a été très difficile et fragile au Burundi, avec une crise politique et économique, une inflation élevée, une insécurité croissante et par-dessus le marché, quelques graves inondations dans ces quartiers. C’est ce qui fait que les résultats sont moins durables qu’au Rwanda, par exemple. Mais on peut aussi voir le verre à moitié plein. Malgré tout, les familles se portent mieux qu’avant de participer au programme et au moins aussi bien, ou mieux, que les habitants environnant. N’oublions pas qu’au début, elles étaient clairement les plus pauvres du quartier.” La méthode d’évaluation n’a pas non plus tenu compte de la consommation des aliments cultivés par les familles, ce qui a quelque peu sous-évalué leurs revenus.
À cause des inondations, entre autres, l’état des équipements sanitaires s’est souvent dégradé. D’un autre côté, de beaux résultats peuvent être pointés. Les familles s’alimentent mieux et davantage en comparaison avec leur situation précédente mais aussi avec la moyenne nationale. On note également de grands progrès en matière de soins de santé : une meilleure protection contre la mortalité infantile et les complications à l’accouchement, beaucoup moins de cas de malaria, tout le monde a passé le test du VIH/sida et connaît les facteurs de risque, moins de grossesses non désirées. Et dans tous les quartiers où un VillageFXB a été mené, davantage d’enfants de 5 à 17 ans vont à l’école, si on compare avec le passé et la moyenne nationale.
Téléphones
Cela fait aussi trente ans que FXB tire les enseignements des évaluations effectuées et conclut, si nécessaire, des partenariats locaux pour adapter le modèle aux besoins du terrain. Ainsi, des groupes de participants dans les quartiers concernés se transforment maintenant en véritables groupes d’épargne et de crédit. Chaque groupe dispose de cinq téléphones mobiles qui lui permet d’être plus rapidement informé des prévisions météo, de l’état de la sécurité, du planning familial ou des finances… Les formations professionnelles complémentaires pour les jeunes et l’accompagnement destiné à rendre l’agriculture plus résistante au climat sont d’autres nouveautés.
“Compte tenu des conditions particulièrement difficiles au Burundi, il nous paraît essentiel, après concertation avec des partenaires tels que la Fondation Roi Baudouin, d’ajouter aux nouveaux VillagesFXB une quatrième année durant laquelle nous ne fournirons plus une aide matérielle, mais bien un accompagnement allongé afin de renforcer l’effet des trois années précédentes”, conclut Christine Eggs.
La Fondation Roi Baudouin soutient FXB depuis 2006, en collaboration avec les Fonds Amélie, Corbier et Jourdain, qu’elle gère, et avec l’action Swim for Life et Comptoirs de la Méditerranée. Au total, plus de 780.000 euros ont été attribués, dont environ 2/3 pour des programmes Villages FXB de lutte contre la pauvreté au Burundi, et le reste en RD Congo et au Rwanda.
Article initialement publié sur le site de la Fondation Roi Baudouin.